7 avril 1994 : début du génocide des Tutsi

Le 7 avril 1994 marque le commencement du martyr des Tutsis au Rwanda. Entre cette date et le mois de juillet 1994, près d’un million de Tutsi ont été exterminés.

C’est un génocide, une entreprise planifiée par le Hutu Power à des fins d’extermination d’un peuple. C’est un génocide, un rouleau compresseur idéologique qui a convoqué tout l’arsenal d’un imaginaire de la haine – celui des « cafards », des « rats » et de la purification – exhumé d’un temps que l’on avait cru enseveli sous les cendres d’une autre catastrophe. C’est un génocide au cours duquel 10 000 âmes étaient chaque jour, en moyenne, passées par les armes. C’est un génocide qui a vu l’extermination de bébés, d’enfants, de vieillards, poursuivis jusque dans les églises, dans les fossés, dans les bois pour la seule raison d’être venus au monde. C’est un génocide, qui a ses « salauds », ses coupables, ses complices, ses lâches et ses idiots utiles.

L’historien Yves Ternon aime à rappeler la chose suivante : « tant qu’il y a des négationnistes, le génocide n’est pas terminé ». C’est la tâche immense qui, aujourd’hui, nous attend pour éviter aux victimes de connaître la double peine de la négation. Nous y parviendrons au prix d’un travail sisyphéen de justice et de mémoire.

Le négationnisme peut prendre plusieurs formes : celui, grossier, de la négation brutale, à l’instar d’Adrien-Charles Onana, auteur d’une thèse controversée qui déclare sur LCI en octobre 2019 : « entre 1990 et 1994, il n’y a pas eu de génocide contre les Tutsis ». La loi Gayssot ayant été élargie en 2015 à la négation des génocides ayant fait l’objet d’une condamnation par une juridiction française ou internationale, il aura à s’expliquer devant la justice. Mais le négationnisme prend aussi des chemins moins directs, plus détournés, pour arriver à bon port : celui de la théorie du « double génocide » en est une illustration. Elle consiste à expliquer que les morts Tutsi ont répondu aux morts Hutu et que, au final, les Tutsis seraient responsables de leur propre malheur. Un classique de l’inversion accusatoire. Le corollaire de cette théorie est que l’on peut lire, comme dans Le Point cette semaine encore, qu’il s’agirait du « génocide des Hutu et des Tutsi », formule scélérate qui n’a rien à envier, comme l’a rappelé l’historienne Hélène Dumas, à celle qui consisterait à parler du génocide « des nazis et des juifs ». La formule malheureuse a été retirée, sans excuses ni couronnes.

Le négationnisme s’exprime aussi dans la volonté permanente de dédouaner les complices du génocide, de créer une distanciation entre les actes, froids et bureaucratiques, et les faits, qui eux, selon la formule célèbre, sont « têtus ». La peur des poursuites concernant des crimes imprescriptibles réveille chez certains de vieux fantômes, les conduit à désinformer de colloques en symposiums sur mesure, à vouloir déstabiliser la mission d’historiens nommée par le Président de la République, à générer un maximum de brouillard confusionniste pour échapper à la fouille et à l’ouverture des archives.

Enfin, le négationnisme du génocide des Tutsi est l’expression d’un racisme profondément ancré dans les consciences. Charles Pasqua, décomplexé comme à son habitude, en plein génocide, livrait déjà sans fards à la télévision française une explication trempée dans Gobineau : « il ne faut pas croire que le caractère horrible de ce qui s’est passé là-bas a la même valeur pour eux que pour nous ». ll y a cette idée, atroce, que le génocide n’en serait pas un parce qu’il s’est déroulé en Afrique, que « l’Homme africain qui n’est pas entré dans l’Histoire » est en proie à des massacres interethniques, à des guerres civiles où on aurait la machette facile, qu’il s’agirait de haines ancestrales, de guerres tribales, de chicanes entre peuplades non civilisées. Ce négationnisme raciste, c’est la négation même de l’universalisme, de l’unité du genre humain, de l’égalité des droits proclamée dans la Déclaration de 1948.

Le combat pour la justice et pour la mémoire commence ici et maintenant. Ce qui s’est passé au Rwanda en 1994 nous concerne tous parce que c’est notre Humanité qui est concernée. Renoncer à cet idéal, ce serait donner l’immunité aux responsables et aux complices du génocide, ce serait fouler aux pieds la mémoire des victimes. Ce serait surtout délivrer un permis de tuer à ceux qui, déjà, préparent une nouvelle saison en enfer.

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12 avril 1978 : le faussaire Faurisson et « la rumeur d’Auschwitz »

Le 12 avril 1978, un homme de petite taille, lunettes épaisses, distribue un tract polycopié à ses étudiants dans les locaux de l’Unité d’Enseignement et de Recherche de l’Université Lyon 2, située quai Claude Bernard. Le titre de ce tract n’est pas anodin : « Le Problème des “chambres à gaz”, ou la rumeur d’Auschwitz ». Cet homme s’appelle Robert Faurisson.

Né en 1929, Robert Faurisson est maître de conférences en littérature contemporaine à l’Université de Lyon 2, marquée à gauche. Dans le livre de sa faculté où il a été élu en décembre 1973, il précise ses domaines de spécialité : « critique de textes et de documents, recherche du sens et du contresens, du vrai et du faux ». Docteur ès lettres depuis le 17 juin 1972 pour une thèse sur Lautréamont, Faurisson n’est pas historien. On le voit, en 1971, présenté comme critique littéraire, dans l’émission de télévision Post Scriptum de Michel Polac. A l’époque, il est déjà connu pour son goût immodéré pour la provocation, un narcissisme très développé et une appartenance idéologique à l’extrême droite qui ne fait plus aucun doute depuis qu’il publie régulièrement des articles dans la revue néofasciste Défense de l’Occident. Son cours de maîtrise, sur l’étude critique des documents, lui offre une vitrine universitaire pour contester l’authenticité du Journal d’Anne Frank.

Le contenu du tract de Faurisson du 12 avril 1978 est d’une énormité grossière que l’on pourrait résumer ainsi : « les crématoires oui, les chambres à gaz non ». Toute la technique de Faurisson est celle du faussaire qui consiste à extrapoler à partir de considérations techniques sur la question des chambres à gaz homicides. Selon lui, si les chambres à gaz n’ont pas existé, alors la Shoah serait un mythe, avant de conclure son propos dans une abjection totale : « Le nazisme est mort, et bien mort, avec son Führer. Reste aujourd’hui la vérité. Osons la proclamer. L’inexistence des « chambres à gaz » est une bonne nouvelle pour la pauvre humanité. Une bonne nouvelle qu’on aurait tort de tenir plus longtemps cachée ».

Rapidement, le 23 mai, deux autres tracts suivent : « Les retombées politico-financières du “génocide” des Juifs » et « Pour une histoire véridique de la Seconde Guerre mondiale ». Faurisson abreuve, pour ne pas dire « harcèle » les grands quotidiens de propositions de tribunes qui sont toutes refusées. Comme le rappelle l’historienne Nadine Fresco : « En quatre ans, il a écrit 29 fois au Monde au sujet des chambres à gaz. » Son obsession est là. Les événements vont lui donner l’occasion de sortir, un peu plus, de l’ombre.

 

D’une action locale à une audience nationale

Le 25 octobre 1978, L’Express publie une interview de 15 pages de Darquier de Pellepoix, antisémie viscéral, ancien Commissaire général aux Question Juives sous le régime de Vichy et alors en fuite en Espagne. Dans cet entretien, il lâche : « A Auschwitz, on n’a gazé que les poux. » Le tumulte est considérable. Le CRIF, la LICA et le MRAP saisissent la justice. Le 16 novembre 1978, Le Matin de Paris donne la parole à Faurisson dans un entretien intitulé « Les chambres à gaz : ça n’existe pas » et à la faveur duquel il applaudit aux propos de Darquier. A l’Université Lyon 2, Faurisson se fait molester. C’est sans doute cette agression qui expliquera, un mois plus tard, l’inexplicable. Le 29 décembre 1978, Le Monde publie une tribune de Faurisson qui n’est autre que la reprise abrégée du tract du 12 avril 1978. Le grand quotidien de référence, sous couvert de pluralisme, a franchi ce jour-là la ligne rouge en offrant une visibilité inespérée à des thèses qui ne méritaient pas de sortir des groupuscules d’extrême-droite qui les affectionnent tant.

Début 1979, les étudiants de l’UEJF empêchent la tenue des cours de Faurisson. Il n’enseignera plus à Lyon 2 et sera détaché au Centre national d’enseignement à distance (CNED) non sans bénéficier d’une mesure collective de promotion en devenant Professeur des Universités.

 

Premier procès et condamnation

La même année, la LICRA et d’autres associations poursuivent Faurisson notamment pour diffamation raciale et incitation à la haine raciale. En décembre 1980, l’avocat de la LICRA, Robert Badinter plaide : « Il ne vous restait, en présence de la vérité, que ce qui est le prix du faussaire ; il ne vous restait, en présence des faits, qu’à les falsifier ; en présence des documents, qu’à les altérer ou à les tronquer ; en présence des sources, à ne pas vouloir les examiner ; en présence des témoins, à refuser leurs dires… Face à la vérité, M. Faurisson et ses amis n’avaient que le choix d’être des faussaires, et c’est le parti qu’ils ont adopté en se drapant dans une dignité qui n’était pas la leur, celle de la science historique… Avec des faussaires, on ne débat pas, on saisit la justice et on les fait condamner. »

Ce sera chose faite. Il faudra attendre 1990 pour que la loi française intègre des sanctions pénales spécifiques au négationnisme. Faurisson, lui, finira sa carrière négationniste sur scène, aux côtés de Dieudonné M’Bala M’Bala. Il est décédé le 21 octobre 2018.

Ressources liées :

Vidéo Sapio : Peut-on rire des génocides ?

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24 avril 1915 : début du génocide du peuple arménien

24 avril 1915, 20 heures. Dans les rues de Constantinople, capitale de l’Empire ottoman, les hommes de Bedri Bey, le chef de la police du régime, parcourent la ville pour une besogne très particulière. Quelques heures plus tôt, Talaat Pacha, le ministre de l’intérieur du gouvernement Jeunes-Turcs, a donné ordre de procéder à l’arrestation des intellectuels arméniens présents dans la ville. Dans la nuit, près de 270 ecclésiastiques, journalistes, médecins, écrivains, éditeurs, enseignants, hommes politiques et avocats sont arrêtés pour le seul fait d’être arméniens. C’est le début du génocide arménien.

Les Arméniens forment une importante minorité chrétienne de l’Empire ottoman, essentiellement regroupée à l’est de l’Anatolie, près des frontières turco-russes et turco-perses. À la fin du XIXe siècle, prenant conscience du statut inégalitaire qui est le leur au regard des autres citoyens, ils revendiquent l’application de réformes et l’égalité des droits. Ces aspirations à l’émancipation, portées par des groupes dont certains révolutionnaires, conduisent à une répression sanglante, de 1894 à 1896, sous le règne et sur ordre du sultan Abülhamid II. Un deuxième prélude au génocide de 1915 se produit avec les massacres de Cilicie, du 14 au 27 avril 1909. Partis d’Adana, conduits par des miliciens, soutenus par les autorités locales, ils s’étendent à différentes localités ciliciennes.

 

Le contexte de la Première Guerre mondiale

Le génocide des Arméniens, à proprement parler, se déroule dans le contexte de la Première Guerre mondiale. Les Arméniens sont alors pris entre deux belligérants, l’Empire russe et l’Empire ottoman. Au début de l’année 1915, l’armée turque est écrasée par l’armée russe à Sarikamish. Le ministre turc de la guerre, Enver Pacha, accuse les Arméniens de trahison.

Le 27 mai 1915, le Parlement ottoman vote la loi Tehcir (tehcir : mot qui signifie « déplacement ») qui autorise l’expulsion de la population arménienne et sa « réinstallation ». Le 29 mai 1915, les arméniens arrêtés un mois plus tôt sont transférés. On leur fait franchir le Bosphore avant de les enfermer dans des trains affrétés spécialement depuis la gare de Haydarpasa et de les envoyer dans la région d’Ankara et en Anatolie centrale dans divers camps d’internement. Leur assassinat interviendra les mois suivants. Le 15 juin 2015, 20 prisonniers politiques issus du parti arménien social-démocrate Hentchak sont extraits de leur prison où ils avaient été jetés deux ans plus tôt. Après un simulacre de procès, ils sont pendus dans le Square Beyazıt de Constantinople. Les derniers mots de leur leader, Paramaz, claquent une dernière fois aux oreilles des bourreaux : « Vous pouvez pendre nos corps, mais vous ne pourrez pendre nos idées… Vous verrez demain, à l’horizon oriental, une Arménie socialiste. »

Dans l’ensemble de l’Empire ottoman, le processus est le même : arrestation des notables arméniens au motif d’un prétendu complot contre l’Empire, perquisitions, torture, assassinats ou déportations. En quelques mois, les Arméniens sont victimes d’un génocide. Au total, 306 convois de déportés sont dénombrés entre avril et décembre 1915, avec un total de 1 040 782 personnes recensés comme faisant partie de ces convois. La plupart sont envoyés en Syrie ottomane et en Mésopotamie. La plupart du temps, les hommes sont massacrés immédiatement, les femmes et les enfants revendus comme esclaves. Mais très souvent, les familles arméniennes sont assassinées sur place, dans leurs maisons ou dans leurs villages.

Dès le 24 mai 1915, les Alliés, en guerre contre l’Empire ottoman coalisé avec l’Allemagne, adressent un message à Constantinople : « En présence de ces nouveaux crimes de la Turquie contre l’humanité et la civilisation, les gouvernements alliés font savoir publiquement à la Sublime Porte qu’ils tiendront personnellement responsables desdits crimes tous les membres du gouvernement ottoman ainsi que ceux de ses agents qui se trouveraient impliqués dans de pareils massacres. »

 

Un bilan effroyable

Le bilan du génocide de 1915 est effroyable. Une estimation du nombre de victimes est donnée par Talaat Pacha, alors grand vizir (chef du gouvernement), en personne dans son carnet personnel révélé en 2005, surnommé le « carnet noir ». Il y fait estimation d’un nombre de 1 617 200 Arméniens en 1914 contre seulement 370 000 après les massacres, soit environ 1 247 200 disparus, c’est-à-dire 77 % de la population arménienne. Leurs biens ont été spoliés. Si beaucoup d’Arméniens furent installés dans des camps de réfugiés aux marges de l’Empire, en Syrie et en Cilicie, le peuple arménien entre dans une période de grande diaspora, vers l’Europe, notamment la France, vers les États-Unis, l’Amérique du Sud ou encore l’Australie. En 1919, des cours martiales condamnent par contumace certains auteurs du génocide, dont la plupart a pris la fuite. Talaat Pacha est abattu dans une rue de Berlin le 21 mai 1921, dans le cadre de l’opération Némésis, montée clandestinement par la Fédération révolutionnaire arménienne pour exécuter la sentence de mort par contumace. L’auteur de cet assassinat, Soghomon Tehlirian, sera acquitté et beaucoup verront dans cette décision inattendue une forme de condamnation du génocide.

Aujourd’hui, l’État turc pratique toujours le déni et le négationnisme en refusant de reconnaître le génocide. Une trentaine de pays l’ont reconnu aujourd’hui. La France l’a officiellement reconnu par une loi de janvier 2001 et a tenté de faire de la négation de ce génocide un délit. Cette tentative échoua après une censure du conseil constitutionnel qui a considéré à deux reprises que la pénalisation du négationnisme de ce génocide n’était pas conforme à la Constitution. Depuis le 24 avril 2019, la Commémoration du génocide des Arméniens fait partie de la liste des commémorations officielles de la République Française. Il s’agit désormais de mener le combat contre le négationnisme.

 

Pour aller plus loin :

Mikaël Nichanian, Détruire les Arméniens. Histoire d’un génocide, Paris, Presses universitaires de France, 2015.

Taner Akçam, Ordres de tuer : Arménie 1915, Paris, CNRS Éditions, 2020.

 

 

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Procès d’un négationniste

Le 25 novembre 2020, un militant d'extrême droite est condamné pour avoir nié l'existence de la Shoah mais relaxé pour avoir qualifié de "mensonge" le massacre d'Oradour-sur-Glane perpétré par les SS le 10 juin 1944. Explications.

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Ancien professeur de mathématiques, radié de l’Éducation nationale en 1997, Vincent Reynouard est un militant d’extrême droite, qui défend l’idéologie national-socialiste. Plusieurs fois condamné pour négationnisme, et notamment à des peines de prison, il a fait l’objet d’une nouvelle condamnation le mercredi 25 novembre 2020 (quatre mois de prison), pour « contestation de crime contre l’humanité » : le militant avait publié, en mai 2017, une vidéo dans laquelle il niait l’existence de la Shoah. Il a, en revanche, été relaxé pour deux vidéos postées les 13 et 14 mai 2017 dans lesquelles il contestait la réalité du massacre d’Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne) commis par la division SS Das Reich, le 10 juin 1944 (643 victimes).

Pourquoi cette différence ?

Dans son jugement, le tribunal a souligné qu’il s’agissait là d’un crime de guerre et que « la contestation d’un tel crime, à la différence de son apologie, n’est pas susceptible de qualification pénale ».

Il faut bien comprendre qu’il existe une distinction dans la loi entre le « crime contre l’humanité » et le « crime de guerre ». Le premier a été défini par la Charte de Londres (8 août 1945) comme « l’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation et tout autre acte inhumain commis contre toutes les populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux ».

Le Tribunal militaire international de Nuremberg (20 novembre 1945 – 1er octobre 1946) a défini le second ainsi : « Assassinat, mauvais traitements ou déportation pour des travaux forcés, ou pour tout autre but, des populations civiles dans les territoires occupés, assassinat ou mauvais traitements des prisonniers de guerre ou des personnes en mer, exécution des otages, pillages de biens publics ou privés, destruction sans motif des villes et des villages, ou dévastation que ne justifient pas les exigences militaires. »

Contester n’est pas faire l’apologie

Enfin, il faut souligner le fait que la « contestation » d’un crime n’est pas son « apologie ». Oradour-sur-Glane est bien un « crime de guerre » mais la loi ne condamne que l’apologie, à proprement parler, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Or, Reynouard s’est livré à une « contestation ». Quant à la loi Gayssot, elle réprime la contestation des seuls crimes contre l’humanité, sans faire mention des crimes de guerre.

Vincent Reynouard n’a donc pas été condamné pour avoir parlé de « mensonges » au sujet du massacre des massacres d’Oradour-sur-Glane.

À noter que l’homme s’est réfugié en Angleterre il y a plusieurs années pour échapper à la justice française.

 

 

 

 

À suivre sur le négationnisme

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Quand l’aliment se fait racisme

« Ma mère, quand elle est arrivée en France – elle était italienne – s'est fait traiter de ‘sale macaroni’ », explique la maire d'une commune d'Ile-de-France. « Non, ce n’est pas une insulte raciste », lui répond une europdéputée, avant de retirer sur son propos. Qu'en est-il ?

5 minutes

Le vendredi 27 novembre 2020, sur le plateau de France info, l’eurodéputée Manon Aubry (La France insoumise) était invitée à débattre de la question du racisme. Reprochant à la maire de Taverny (Val d’Oise), Florence Portelli, de n’avoir « aucune idée de ce qu’est le racisme », madame Aubry s’est entendu répondre : « Ma mère, quand elle est arrivée en France – elle était italienne – s’est fait traiter de ‘sale macaroni’. » L’eurodéputée, désireuse de souligner la force inédite du racisme que subiraient certaines minorités aujourd’hui en France, lui a alors rétorqué : « Non, ce n’est pas une insulte raciste », avant de revenir sur ses propos, plus tard dans la soirée.

Que faut-il entendre derrière « sale macaroni » ?

L’un des vecteurs courants du racisme est l’insulte. Elle peut être un nom dédié, renvoyant à un aspect culturel ou aux origines, utilisé de manière méprisante à l’endroit d’une personne ou d’un groupe de personnes, en vertu de l’appartenance, réelle ou supposée, à une nationalité, une « race », une origine ou une religion. L’adjonction du qualificatif « sale » accentue le mépris. Ainsi, « sale macaroni » appartient incontestablement à ce registre insultant et dégradant. Peut-on parler pour autant d’ « insulte raciste » ?

À l’époque de l’immigration italienne, à la fin du XIXe siècle, cette insulte témoigne en premier lieu d’un fort sentiment xénophobe, qui n’est pas sans parenté avec certains processus de racisation : l’étranger est désigné comme le profiteur, la menace, le parasite, celui qui est d’une culture inférieure et qui vient prendre la place des nationaux.
Ainsi, la méfiance et l’hostilité se sont parfois mues en haine et ont débouché sur des logiques d’humiliation, d’exclusion et même des violences meurtrières (huit morts et des dizaines de blessés à Aigues-Mortes, le 17 août 1893). Il est donc difficile, à cet égard, de minimiser la violence de l’insulte lorsqu’elle s’appuie sur un ensemble de stéréotypes et de préjugés. Car ce type d’insulte est l’expression d’un système de représentations négatives qui tendent à priver une personne ou une catégorie de personnes de leur dignité.
On pourrait ajouter que le recours à un objet ou un aliment, comme dans le cas du « macaroni », pour désigner un être humain, nourrit un regard déshumanisant. En conséquence, les insultes ou la diffamation de cette nature ne peuvent jamais tout à fait être déconnectées de dynamiques qui produisent des situations de discrimination. Le racisme est un écosystème où la « simple » insulte joue un rôle actif.
L’esclavage et la colonisation, ainsi que la persécution antisémite donnent inévitablement une résonance plus aiguë et toujours actuelle à certaines insultes. C’est un fait : le racisme a une histoire et une mémoire, qui déterminent des degrés d’attention variables, en raison de l’inscription des phénomènes dans le temps et des violences qu’ils ont fait subir. Le passé montre toutefois que les attaques verbales de cette nature, quelles qu’elles soient, sont parties prenantes de l’histoire des haines et des violences racistes : les minimiser ou les nier est un contresens historique et un obstacle à la compréhension du sujet.

Quelques exemples

On pourrait puiser de multiples exemples dans la littérature et la presse pour illustrer cette violence qu’a pu inspirer une interjection d’apparence anodine. Nous nous limiterons ici à quatre citations dont trois montrant la corrélation étroite du mot « macaroni » avec le registre du racisme :

Le mensuel Rouge-Midi du 23 septembre 1933 rapporte l’attitude d’un directeur de prison qui traite les détenus d’ « espèces de sale bicot, sale arabe, sale macaroni, sale juif ».

Dans l’édition du Droit de Vivre (journal de la LICA) de septembre 1953, un militant lance un appel en ces termes : « Ne laissons pas la xénophobie se développer dans certains milieux en France, pour qui les Italiens sont des macaroni, les juifs des youpins, les Nord-Africains une pègre. »

Président de la Ligue des Droits de l’Homme, Daniel Mayer décrit lors d’une conférence à la Sorbonne, le 14 février 1960, ce qui constitue, à ses yeux, la pente naturelle du racisme : « À partir du moment où l’on dit ‘raton’ pour arabe et ‘macaroni’ pour italien on accepte les fours crématoires, on accepte fût-ce inconsciemment, Auschwitz et Buchenwald. »

Dans une interview au journal Le Monde publiée le 17 février 2019, le chanteur Pierre Perret mentionne l’anecdote suivante au sujet de son engagement contre le racisme : « Le seul coup de poing que j’ai donné de ma vie, c’était dans la cour de récré, contre un trou du cul qui traitait mon copain réfugié italien de ‘sale macaroni’. Je lui ai foutu le pif comme une patate ! »

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