La laïcité et ses idées reçues
La laïcité est limpide et dense comme un cristal. Mais elle est attaquée par une pluralité de rayons qui se reflètent et diffractent, donnant l’illusion d’un miroitement incohérent.
La laïcité serait une « exception française », intraduisible. En vérité, la laïcité est une « antériorité française », comme la Déclaration de 1789 pour les Droits de l’Homme. Une idée naît dans un pays puis acquiert une portée universelle, comme la démocratie à Athènes ou l’Habeas corpus, en Angleterre. La laïcité, en tant que concept du politique, est apparu au XIXe siècle. Au Mexique, en 1856, la Constitution républicaine, inspirée des Lumières, évoque « l’autorité civile définie par la volonté nationale, sans religion d’État ». En France, c’est la IIIe République qui a consacré la laïcité. Par la suite, plusieurs États démocratiques ont adopté le principe de la séparation du politique et du religieux.
La laïcité se confondrait avec l’athéisme. Non. La laïcité repose précisément sur la liberté de conscience, celle de croire, de ne pas croire et de changer de religion au nom du pluralisme des croyances. Source de débats et d’une jurisprudence abondante, la méthode laïque répond aux revendications religieuses, dans la limite de l’ordre public et de l’intérêt général. Elle cherche ainsi à prévenir les guerres de religions. Mais il est vrai que ceux qui pensent détenir la vérité n’acceptent pas d’être à égalité avec les autres ; ils refusent que la République ne condamne ni le blasphème ni l’apostasie
La laïcité discriminerait les cultes récemment implantés en France, en particulier l’islam. En droit, depuis 1905, la règle est l’égalité de traitement des religions. L’accès à leur patrimoine culturel, la liberté de l’étudier, de le critiquer, sont des libertés laissées à chacun. En revanche, s’il arrive que des pratiques religieuses viennent à heurter l’ordre public et les libertés, ces dérives sont condamnées par le droit commun.
La laïcité n’a pas besoin d’un qualificatif : « ouverte », « plurielle ». Elle suppose le pluralisme des convictions et l’égalité des personnes ; elle condamne la censure des idées et porte en elle-même les conditions de leur libre expression.